Du contrôle à l’autonomie – Faut-il adapter son leadership ?

De plus en plus fréquemment nous entendons parler d’empowerment ou d’autonomisation des collaborateurs. Loin d’être un outil RH de plus il s’agit, quand c’est fait de manière authentique et complète, d’un véritable séisme organisationnel qui va permettre à l’entreprise d’être beaucoup plus apte à répondre à la réalité complexe du 21ᵉ siècle. Quitter le paradigme du contrôle va amener une énergie positive propice à l’augmentation de la motivation intrinsèque et donc indirectement de l’efficacité

Quelques petits mots d’histoire.

Alors que nos ancêtres commençaient à découvrir l’agriculture et se sédentarisaient, ils se rendaient déjà compte de nouveaux besoins organisationnels. L’esprit de la tribu nomade aux règles orales et à la structure simple n’était plus capable de gérer correctement la nouvelle situation. Avec cette sédentarisation la tribu s’agrandit vite et apparurent de nouveaux rôles. Le monde devint rapidement beaucoup plus compliqué.

L’humanité a alors inventé tout une série de choses. Cela commença par la création de villages puis de villes donnant naissance à la notion de propriété, au commerce, à la guerre… L’écriture fut inventée pour avoir une trace des avoirs et des dettes. L’argent fut créé pour faciliter les échanges. Tout au long des nombreux siècles qui suivirent les civilisations inventèrent de très nombreux objets et concepts qui forment encore les fondations de notre monde.

Un certain Newton.

Au 17ᵉ siècle un certain Newton, personnage emblématique du siècle des lumières, définit les bases de la physique en formalisant le monde et en créant indirectement un déterministe auquel nous sommes habitués. La mécanique classique, les principes de gravitation universelle et d’autre théories ont encore, et ce malgré les découvertes de la physique quantique et de bien d’autres sciences, un impact significatif sur notre compréhension du monde.

Dans nos pays occidentaux nous restons majoritairement persuadés que nous pouvons contrôler le monde à notre guise. Une simple action va logiquement amener à une réaction prévisible. Cette interprétation de la réalité nous aida lors des derniers siècles à développer de nombreuses technologies. Et elle nous permit de mettre en place une civilisation mondiale au pouvoir exceptionnel. Malheureusement cette vision mécanique du monde a limité notre sens des responsabilités en ne se basant que sur des processus et des ressources.

Un monde différent.

Mais depuis les 70’s le monde à bien évolué. La période pendant laquelle la demande était supérieure à l‘offre est bien finie. La globalisation naissante s’est imposée et le monde n’est plus qu’un village. Le monde financier a pris une place prépondérante. Internet a permis la mise en place d’un réseau d’interactions d’une complexité insaisissable. Et nous avons à notre disposition une quantité énorme de ressources créant des possibilités presque infinies.

Ces dernières décennies nous donc avons assisté à un changement de paradigme similaire à la sédentarisation. Le monde de Newton a laissé place à un monde plein d’incertitudes. Un monde dans lequel une simple action n’amène plus à une simple réaction. De même les réseaux d’interactions physiques et virtuels que nous utilisons journellement ne peuvent plus nous assurer une prédictibilité de résultats de nos actions. Finalement nous constatons que notre monde est fini. Exit le déterminisme, bienvenue au chaos d’un monde complexe et limité.

Peut-on encore aborder notre monde comme auparavant ?

Malgré cette [r]évolution nos structures organisationnelles sont encore souvent similaires à celles d’avant. Nous voyons que l’information y circule beaucoup plus vite, que la pression financière est importante et que le changement est constant sans que l’organisation sous-jacente n’aie fortement évoluée. Avec comme conséquences négatives que les systèmes mis en place pour une autre période vont malheureusement non seulement épuiser les ressources naturelles mais également humaines.

Changement climatique, ressources épuisées, perte de sens, burn-out, absentéisme et engagement bas comme le montre les fameuses enquêtes de Gallup sont autant de symptômes d’une inadéquation des organisations avec le réel. La structure de contrôle pyramidale ne parvient plus à être efficace. Elle induit des coûts souvent cachés et énormes qui sont portés en majorité par la collectivité. Une collectivité qui n’arrive plus à faire face aux nombreuses sollicitations.

L’autonomie comme début de réponse !

En réponse à cette pression importante sur les organisations, certaines d’entre elles vont mettre en place des approches qui visent à augmenter l’autonomie des collaborateurs. Elles se rendent compte que la structure de contrôle ne peut plus suivre ni le rythme ni la complexité de l’environnement économique et social. Elles remarquent aussi que les collaborateurs d’une entreprise axée sur le contrôle ne peuvent plus gérer les tensions importantes entre les attentes de l’extérieur et les possibilités d’actions dont ils disposent.

L’autonomie est la réponse la plus probante à la fin d’un monde déterministe et infini. Elle permet à l’organisation d’agir, d’expérimenter, d’apprendre, de rater, d’être … bref d’évoluer au rythme et en phase avec la réalité de ce siècle. L’autonomie devient la source des meilleures réponses, constamment remises en question et adaptées, à la recherche d’un équilibre entre les opportunités, les ressources et l’impératif de pérennité. Cela replace, entre autre, les habituels processus de planification qui sont alors considérés comme excessifs et inefficaces.

Comment faire progresser l’autonomie ?

Promouvoir l’autonomie, c’est tout d’abord accepter que l’on ne peut plus imposer de manière efficace les choix du management. Dans la structure d’organisation pyramidale que nous connaissons bien, c’est toujours techniquement possible mais ce n’est plus la meilleure manière de faire. Il faut donc rechercher une autre approche.

Pour promouvoir l’autonomie, le management va donc tout d’abord apprendre à laisser faire. Il va accepter les nombreuses erreurs commises, parfois une lenteur d’action, souvent un malaise face à un léger chaos pour voir émerger de véritables pépites qui vont booster l’organisation. Les collaborateurs vont devoir apprendre à prendre leurs responsabilités et chercher eux-mêmes, avec le soutient de la hiérarchie, des solutions. Ils ne peuvent plus se cacher derrière leurs managers. Et le manager ne pourra plus se cacher derrière l’incompétence présumée de ses collaborateurs.

Pour tous, il faudra apprendre à communiquer. Il faudra apprendre à se discipliner et à suivre de manière volontaire un cadre collaboratif qui doit s’appliquer à tous de manière égalitaire. Il faudra également apprendre à être responsable et à faire confiance. Tous ses apprentissages prendront du temps mais se renforceront au fur et à mesure de l’augmentation de la maturité de l’organisation.

Un cadre flexible qui motive.

Au niveau organisationnel il y a un besoin énorme d’avoir un projet porteur de sens. Il faut arriver à définir un cadre collaboratif qui fédère. Ce cadre est propre à chaque organisation mais peut comprendre des éléments tels la mission, les valeurs et le contrat collaboratif qui explique comment collaborer. Cela peut également couvrir une responsabilité sociétale complètement intégrée dans les activités. On va également y inclure des techniques d’intelligence collective, de gestion des réunions, de gestion des tensions…

Il existe de nombreuses possibilités de favoriser l’autonomie. Et rien ne sert de vouloir aller trop vite. Il vaut mieux commencer à petite échelle et apprendre des erreurs faites. Il faut également pouvoir s’adapter à la vitesse de chacun et accepter que tout le monde n’est pas intéressé par une plus grande autonomie.

Les avantages de l’autonomie.

Le leader qui a appris à laisser faire et à accompagner l’autonomie de ses collaborateurs peut s’attendre à obtenir des nombreux avantages. Ses collaborateurs seront plus épanouis et motivés. Ils s’investiront plus facilement dans le projet d’entreprise. Avec l’autonomie et la prise de responsabilité, l’écoute des besoins des clients tant internes qu’externes est également améliorée. La prise d’initiative nécessaire à l’amélioration continue et l’innovation sera également plus aisée.

Si l’autonomisation est faite à l’échelle de l’entreprise et qu’elle est bien encadrée par le leadership, elle peut permettre d’augmenter l’agilité globale et le niveau de collaboration de celle-ci. La structure interne va pouvoir ou devoir se modifier en fonction de la croissance du niveau de maturité. Cette organisation sera également plus à l’écoute du monde extérieur, ce qui facilitera sa gestion et son évolution.

Un chemin exigeant.

Autonomiser vos collaborateurs est un chemin exigeant. Il ne suffit pas de rédiger quelques règles et puis de s’en assurer l’exécution. Jardinier de l’organisation, le leadership va devoir s’assurer que l’approche est bien comprise et intégrée par tous. Il devra aller soutenir chacun des collaborateurs pour qu’ils puissent grandir. Il travaillera à la mise en place de solutions de collaboration et plus important encore il sera le gardien de la culture. Ces nouvelles tâches du leadership accapareront une part importante de leur temps, un temps libéré par l’autonomisation des collaborateurs. En bonus, ces activités seront pour la majorité du leadership beaucoup plus épanouissantes que celles de la gestion basée sur le contrôle.

Permettre l’autonomie est un chemin qui transforme les managers et les collaborateurs. Quoi de plus gratifiant que de recevoir un merci sincère pour avoir offert à tous de nombreuses occasions de se développer et de se réaliser. Pour ceux qui se sont essayés à cette approche, retourner dans le contrôle n’est plus envisageable.

Alors prêt pour le changement ?

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Réginald Cogels
Réginald Cogels
Publications: 5

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